L'ancien coureur de 39 ans s'est retiré en octobre dernier, après plus de deux décennies de compétition. Il a endossé pendant huit jours le Maillot Vert ŠKODA lors du Tour et était un sprinter redoutable avec lequel seuls Mark Cavendish et son compatriote Marcel Kittel ont pu rivaliser lorsqu'il était son apogée. Aujourd'hui, "Le Gorille" a pris du recul par rapport à la course, et il ne le regrette pas.
Lorsqu'on lui demande si l'effervescence qui entoure et précède le Tour lui manque et s'il aura l'occasion de fêter son anniversaire (qui tombe pendant le Tour) comme il se doit cette année, il répond, sourire aux lèvres : "Franchement, j'en ai largement fait le tour. Après tant d'années, je peux enfin être à la maison avec ma famille".
Cette effervescence semble poindre plus tôt chaque année et pour Greipel, remporter des étapes du Tour a toujours été la principale ambition de sa saison, une démarche planifiée bien à l'avance.
"Nous nous concentrions sur les sprints. Nous savions que le système de points était un peu injuste. Ainsi, il était impossible pour moi de récolter les mêmes points que Sagan dans les étapes de montagne, parce qu'à mi-étape, il y avait 25 points à décrocher (au sprint intermédiaire). Ce qui lui permettait d'accumuler pas mal de points à ce moment-là, alors que moi j'étais lâché. C'était toujours un peu dommage".
Indépendamment du système de points, les équipiers de Greipel étaient généralement prêts à le soutenir. Et au début du Tour de France, traditionnellement, la meilleure opportunité pour un sprinter de remporter une première étape réside dans les parcours plats. Il en va de même pour la récolte de points dans la lutte pour le Maillot Vert ŠKODA.
Chaque jour, l'équipe se réunit avant l'étape pour planifier exactement la tactique à suivre pour donner à son sprinter les meilleures chances. Pour Greipel et de nombreux coureurs comme lui, cette préparation vitale commence bien avant, parfois des semaines ou des mois à l'avance.
Il explique : "Si nous en avions la possibilité et que les étapes étaient proches, nous en reconnaissions systématiquement le parcours. C'est toujours mieux de découvrir celui-ci en vrai plutôt que via Google Maps. Avant le Tour de France, j'étais déjà très concentré sur les sprints. Je consultais Google Maps et je prenais des notes que je pouvais ensuite consulter le jour J.
"Au début de ma carrière, Google Maps n'était pas courant", confie-t-il avec un petit rire entendu. "Il n'était pas aussi au point qu'il l'est aujourd'hui. On ne peut pas vivre dans le passé, il faut toujours s'adapter. Et il va de soi que VeloViewer, par exemple, ou Google Maps, constituent un avantage considérable pour tout le monde dans le peloton. Et si vous n'en tirez pas profit, vous partez désavantagé.
"Il faut vraiment faire confiance à son directeur sportif. Nous étions toujours concentrés sur les sprints, donc nous avions toujours quelqu'un qui veillait avec attention à la tactique. C'était un travail d'équipe, tout le monde était impliqué - du directeur sportif et du coach de sprint jusqu'aux coureurs."
Les étapes elles-mêmes, surtout la première semaine, lorsque la hiérarchie de la course n'est pas encore établie, peuvent être mouvementées. Les accidents émaillent ces premiers jours de course, ce que Greipel ne sait que trop bien. En effet, lors de la sixième étape du Tour 2012, l'Allemand, qui avait remporté les deux étapes précédentes à Rouen et Saint-Quentin respectivement, a chuté lourdement après 35 kilomètres de course, se disloquant l'épaule au passage.
Il se remémore l’incident : "J'ai chuté, j‘ai remis mon épaule en place et j'ai réussi à terminer deuxième. J'ai ensuite dû faire de la rééducation pendant une semaine pour être à nouveau capable de remonter en selle et de sprinter."
Tous les prétendants au Maillot Vert lors du Tour doivent être prêts à subir des épreuves comme celle endurée par Greipel, mêmes si elles ne sont pas toutes aussi pénibles. Le parcours de la course n'est généralement pas tracé pour ceux qui concourent dans ce classement, mais parmi ces moments difficiles peuvent aussi survenir des moments de joie. Ainsi, lorsqu'on lui demande quel est le fait de course dont il est le plus fier, c'est l'édition 2012 qui lui vient directement à l'esprit. Il se souvient : " Je suis fier de toutes mes victoires sur le Tour, cela représente toujours quelque chose de spécial. Bien sûr, gagner sur les Champs-Elysées c'est formidable, mais la victoire qui m'a le plus marqué est une étape que j'ai remportée au Cap d'Adge. Ce n'était pas une journée facile et j'ai survécu aux ascensions (ainsi qu'aux échelons). En fait, c'est toute l'équipe qui a participé à ce succès. Nous avons pris la course en main ensemble, et c'est ce qui a permis la victoire.
"J'ai aussi reçu beaucoup de soutien pour ne pas avoir abandonné le Tour (à cause de l'épaule disloquée) et toute l'équipe était là pour m'aider à traverser cette période difficile. C'est donc une victoire dont je suis assez fier, je dirais."
Les accidents ne sont pas le seul facteur qui puisse entraver les chances des coureurs de se vêtir de vert. L'obstacle majeur auquel ils sont confrontés est la montagne - le simple fait d'arriver à Paris et d'éviter jour après jour les coupures de temps constitue en effet un exploit en soi pour ceux qui ne sont des grimpeurs. En fait, ces journées difficiles sont tout aussi importantes que les étapes de sprint pour quiconque ambitionne la conquête du Maillot Vert ŠKODA.
"Il est clair que quand vous voyez des sprinters à la peine et que vous avez la possibilité de les mettre hors chrono, vous y allez à fond et vous essayez de les lâcher. C'est le scénario des coupures de temps sur le Tour - vous devez souffrir chaque jour jusqu'à la ligne d'arrivée. C'est une course dans la course.’’
"Nous, les coureurs, enfourchons nos vélos tous les jours, donc c'est quelque chose auquel nous sommes habitués. La tête et la force mentale peuvent faire la différence. J'étais vraiment bon pour me duper moi-même en me disant : 'Bah, ce n'est pas si terrible. Si je souffre, c'est que les autres souffrent davantage", etc. Le plus grand ennemi ou le plus grand concurrent est votre moi intérieur, vous vous battez contre vous-même tous les jours."
En guise de conclusion sur la lutte pour la conquête du maillot vert ŠKODA, Greipel confie: "Le porter procure un sentiment spécial. Vous vous battez pour ça tous les jours ; pour le maillot, pour les points, et c'est épuisant. Surtout avec la constitution qui est la mienne.".